Tuer l'espoir
C’est de ces petits moments que l’on vit, de ces petites choses insignifiantes, de ces plaisirs minuscules du quotidien que naît l’espoir. L‘espoir de quelque chose de plus intense, de quelque chose de meilleur, de beau, de plus beau, de plus coloré, de plus exaltant...
C’est de cet espoir que l’on tire force, joie, confiance... que l’on tire le désir de demain, que l’on pense meilleur qu’aujourd’hui.
Mais cet espoir n’est rien. Probabilité d’un possible, peut-être meilleur, peut-être identique, peut-être pire que l’instant présent. Indice de confiance 2 sur une échelle qui en compte tellement...
Mélange de rêves et de fantasmes, projection irréelle, cet espoir nous mine tout aussi sûrement que le temps nous use... Non ceci ne sera pas possible, non cela ne se fera pas, non tu ne peux pas, non je ne veux pas, non, non, non...
Spirale infernale des espoirs déçus, la vie s’écoule en son sablier, terne et monotone, parfois entachée de larmes et de pleurs...
C’est au nom de l’espoir que l’on ne vit pas le présent, c’est au nom de l’espoir que l’on accepte l’inacceptable, c’est au nom de l’espoir que l’on croit, simplement, que l’on croit !
Mais si l’on tuait l’espoir ? Si on ne voyait dans le présent que les faits là où l’on veut voir des fées, si l’on goûtait chaque instant comme unique, quel goût lui trouverait on ? De petites mesquineries en petites bassesses, la soupe de couleuvres est toujours plus amère, mais comme notre bon goût s’estompe, elle passe toujours aussi bien...
Alors il ne faut pas croire que si l’on tuait l’espoir le présent nous apparaîtrait forcément magnifique, comme par magie ! Le présent resterait le même, et ce n’est pas l’espoir ou le désir, peu importe le nom qu’on lui donne, qu’il convient de tuer, mais le goût du beau là ou le moche peu suffire, le goût du bon là ou l’insipide fait très bien l’affaire, le besoin de faire mieux quand faire correct serait largement suffisant... Ce n’est pas l’espoir qu’il convient de tuer mais cette idiote idée que l’on a de la vie qui se devrait d’être intéressante, alors qu’elle n’est qu’accident ! Pourquoi notre vie devrait elle être heureuse, belle, palpitante ? Elevons la médiocrité en valeur, faisons du calamiteux une vertu, acceptons à jamais l’idée que tout est acceptable et que tout est au mieux dans le meilleur des mondes, ou plutôt non, que tout est ainsi dans ce seul monde qu’il nous soit à jamais donné de connaître...
Et que l’on ne me dise pas que ce billet est triste ou négatif, que l’on ne me dise pas que je veux voir le gris là où brille la lumière, que l’on m’invite juste au bal, que l’on y vienne aussi nu que je peux l’être et que l’on y construise sans préjugé un univers différent où les sentiments ne feront pas souffrir, où les sens retrouveront leur fonction première, celle de goûter, de toucher, d’humer ce vent chaud ou cette pluie froide, celle d’accomplir la seule vie que l’on est en mesure de vivre : une vie (de) bête !
Tuer l'espoir que tu reviennes !