Complicités
La complicité entre deux individus existe, ou pas. La complicité intellectuelle est assez différente de la complicité physique, du moins dans mon expérience… La complicité amoureuse c’est encore autre chose, idéalement un mélange de complicité intellectuelle et physique… le panard absolu!
La complicité intellectuelle se manifeste par des idées communes, des façons de penser communes, une anticipation de ce qui va être dit ou fait; pour simplifier on pourrait dire: la communion de l’esprit…
La complicité physique se manifeste par des goûts communs pour des jeux ou des pratiques en symbiose; pour simplifier on pourrait dire: le dialogue des corps.
S’il est assez évident que la complicité intellectuelle ne peut pas se créer de toute pièce, il me semble que la complicité physique, dont la complicité sexuelle est une des variantes, peut en partie s’apprendre. Le jeu technique des équipes sportives bien rodé, le jeu amoureux des vieux amants: «je te connais si bien, je connais tes désirs, j’anticipe tes attentes…». Ainsi, la connaissance des autres, de l’autre, est nécessaire au développement de cette complicité: on ne fait pas une bonne équipe de foot en alignant onze bons joueurs qui ne se connaissent pas sur un terrain!
Si la pratique, l’exercice, est nécessaire à la complicité physique, on peut se demander dans qu’elle mesure la complicité sexuelle ne peut pas s’enseigner. Dans qu’elle mesure l’éducation aux pratiques sexuelles des hommes et des femmes ne serait pas tout aussi utile que l’apprentissage des lignées de mérovingiens et capétiens…
Rien de bien original me direz-vous, je ne suis pas en train de réinventer le kamasutra!
Mais si on pousse le raisonnement à l’extrême, on pourrait s’interroger sur l’utilité pour chacun de rédiger un petit guide, qui décrirait ce qu’il aime ou n’aime pas. Ce petit guide pourrait alors être fourni à sa/son partenaire en guise de … préservatif à l’amour!
Car nous serons sans doute tous d’accord pour dire que, présenté comme ça, ça tue l’envie!
On peut donc en déduire que c’est bien dans la découverte de l’autre, et non dans l’apprentissage d’une technique de la pratique sexuelle, que se situe une grande partie du charme, même si cette découverte implique quelques imperfections: entre maladresse notoire et recette de cuisine exécutée de main de maître, il y a un monde dans lequel la relation charnelle doit se construire…
Désirer, aimer, passe, du moins pour moi, par le mystère de la découverte. Le plaisir que l’on donne ou que l’on ressent est, à mon sens, tout autant cérébral que physique: «c’est parce que je ressens ton désir de me donner du plaisir que ceci m’en procure» et non «c’est parce que tu maîtrises parfaitement la 246ème position du lotus que je m’éclate dans tes bras».
Si l’on en revient à mon propos de départ, on admettra donc que la complicité charnelle comporte une part non négligeable de technique, qui peut s’apprendre, et une part de découverte de l’autre. Pourtant, présenté ainsi, je ne m’estime pas satisfait de la perception que j’ai du plaisir sexuel. Il me manque encore une composante...
Pourquoi est-ce que l’on ne ressent pas les choses de la même manière avec ses différent(e)s amant(e)s? Est-ce que l’on perçoit à travers eux(elles) des composantes psychologiques (ou cérébrales) différentes, des envies, des désirs ou même des objectifs différents? Est-ce au contraire les odeurs, les sécrétions, le toucher, les composantes sensuelles et instinctives de notre corps qui nous conduisent à des sensations différentes?
Qu’est ce qui fait que l’on peut dire que cette complicité charnelle, est différente si cette différence ne tient ni en l’acte lui-même ni en la relation affective ou cérébrale que l’on a à l’autre, si ce n’est une composante «animale» aléatoire?
Et tout le problème est bien là: si la technique peut se reproduire, si le relationnel que l’on a à l’autre peut se transposer, la composante animale, elle, est unique!
Comment, sans la connaître, peut-on être sur de l’avoir vécu? Comment ne pas se satisfaire de ce que l’on connaît si l’on est dans l’ignorance de ce qui pourrait être?
Comment savoir que l’on a atteint le niveau 4 ou 5 du plaisir orgasmique quand on se situe sur une échelle dont on ignore la hauteur?
Bien sur on pourrait dire qu’atteindre l’apogée du plaisir n’a pas de sens, qu’il y a bien d’autres objectifs dans la vie… mais cela ne revient il pas à botter en touche car on est dans l’incapacité de faire mieux?
Bien sur on pourrait dire qu’il faut savoir se satisfaire de ce que l’on a, qu’on ne peut pas passer sa vie à chercher, que le bonheur n’est pas là, qu’il y a toujours mieux ailleurs… mais cela ne revient il pas à botter en touche car on est dans l’incapacité de se positionner sur cette fameuse échelle?
La complicité charnelle existe, elle n’est sans doute pas unique, sans doute pas définitive, mais je pense qu’elle mérite d’être recherchée car elle est accessible à tous, au même titre que l’amour…